La Suisse

On l’envoie ensuite en Suisse, dans le cadre du renouvellement des traités d’alliance de cantons avec la France. Au-delà de ses rapports, il dessine déjà beaucoup et étend son réseau de relations. C’est au cours de ce voyage qu’il rend visite à Voltaire et qu’une gravure tirée de ses dessins déplaira fortement au patriarche de Ferney, mais contribuera à sa renommée dans les cercles parisiens.
1775 Mission en SUISSE
De retour en France, Denon part en voyage en Suisse. Selon la Fizelière il lui est attribué une mission ultra secrète et extra officielle auprès des cantons suisses. Il nous rapporte que « Denon part muni de l’attirail du dessinateur, comme un peintre en quête de sites pittoresques. Selon lui cette mission exigeait de la discrétion, de la finesse, du sang-froid, de la rondeur et par dessus tout l‘apparence d’un voyage entrepris pour tout autre objet qu’un voyage diplomatique ».
Des négociations devaient s’ouvrir entre les cantons suisses et la France pour le renouvellement du traité de 1715, ce sera le traité de SOLEURE qui sera signé en 1777.
En Suisse Denon dessine , on lui doit 2 dessins connus, signés et datés d’avril et de juin 1775 représentant un paysan et une paysanne suisses.
Mais une autre hypothèse pourrait être envisagée, celle d’une mission confiée par de Laborde à son ami Denon pour y préparer un « voyage pittoresque » comme celui qui aura lieu quelques années après en Italie.
Le 3 juillet 1775 Denon est à Genève, il adresse de cette ville une lettre à Voltaire, l’ermite de Ferney, rédigée ainsi :
« J’ai un désir infini de vous rendre mon hommage. Vous pouvez être malade, et c’est ce que je crains. Je sens aussi que souvent il faut que vous veuillez l’être et c’est ce que je ne veux pas aujourd’hui. Je suis gentilhomme ordinaire du Roi et vous savez mieux que personne qu’on ne nous refuse jamais la porte. Je réclame donc tout privilège pour faire ouvrir les battants… »
Voltaire accepte de le recevoir. Denon s’y rendra entre le 3 et le 5. C’est à cette occasion qu’il aurait esquissé le fameux dessin qui sera gravé par Née et Masquelier sous le titre « Le déjeuné de Ferney » où l’on voit Voltaire caricaturé d’une façon quelque peu grotesque en compagnie d’un abbé, de Mme Denis et de Laborde, précisant que ce document a été confectionné « d’après nature le 4 juillet 1775 à Ferney ». La gravure connaît un très grand succès dans les salons parisiens. Voltaire s’en trouva très irrité, il s’en suivra un échange de lettres très caustiques entre les intéressés. Denon fait en février 1776 une réponse d’excuses ambiguës qu’il termine par « mon respectable camarade, Votre très humble et très obéissant serviteur ». L’incident bénéficiera à Denon dont la notoriété sera grandissante.
En 1777, dans les mélanges littéraires du journal des dames paraît un conte libertin « Point de lendemain » suivi de la signature M.D.G.O.D.R ; le rédacteur de cette publication n’est autre que Joseph Dorat, ami de Denon qui l’avait aidé à faire jouer « Julie ». En 1780 à la mort de Dorat, l’éditeur Delalain publie une édition complète des œuvres de Dorat où figure la nouvelle de Denon, créant ainsi l’ambiguïté sur l’auteur que Denon ne rectifiera pas; il est vrai, comme nous le verrons, qu’à cette époque il occupe des fonctions officielles comme secrétaire d’ambassade et que ce texte licencieux n’eût pas été à l’avantage de son auteur.