Les écrivains et philosophes
Denon et Voltaire
Denon profite de son séjour en Suisse pour solliciter une rencontre avec Voltaire, l'homme des Lumières. Le 3 juillet 1775, Denon est à Genève , il adresse de cette ville une lettre à « l'ermite de Ferney »
« J'ai un désir infini de vous rendre mon hommage. Vous pouvez être malade, et c 'est ce que je crains. Je sens aussi que souvent il faut que vous veuillez l'être et c'est ce que je ne veux pas aujourd'hui. Je suis gentilhomme ordinaire du Roi et vous savez mieux que personne qu 'on ne nous refuse jamais la porte. Je réclame donc tout privilège pour faire ouvrir les battants. J'étais l'année dernière à Pétersbourg; j'habite ordinairement à Paris, et je viens de parcourir les treize cantons dont vous voyez que j'ai pris la franche liberté. Si avec cela vous pouvez trouver en moi quelque chose qui vous dédommage des instants que je vous demande, alors mon plaisir sera sans reproche et deviendra parfait. Je ne m'aviserai point, Monsieur, de vous faire des compliments, vous êtes au dessus de mes éloges et vous n 'avez pas besoin de mes humilités, et puisque j'ai trouvé moyen d'être votre camarade, je me contenterai de vous assurer que vous n 'en avez point qui vous soit plus parfaitement dévoué, Monsieur, que votre très humble et très obéissant serviteur ».
Voltaire accepte de le recevoir : « Monsieur mon cher camarade, non seulement je peux être malade, mais je le suis, et depuis environ 81 ans. Mais mort ou vif, votre lettre me donne un extrême désir de profiter de vos bontés. Je ne dîne point, je soupe un peu. Je vous attends donc à souper dans ma caverne. Ma nièce, qui vous aurait fait les honneurs, se porte aussi mal que moi, venez avec beaucoup d'indulgence pour nous deux, je vous attends avec tous les sentiments que vous m'inspirez...»
Denon s'y rendra entre le 3 et le 5 juillet. C'est à cette occasion qu'il aurait esquissé le fameux dessin, gravé par Née et Masquelier sous le titre «Le déjeuné de Ferney ». On y voit Voltaire caricaturé d'une façon quelque peu grotesque en compagnie d'un abbé, de Mme Denis, nièce du philosophe et de Laborde, il est précisé que ce document, signé De Non, a été confectionné « d'après nature le 4 juillet 1775 à Ferney ». La gravure connaît un très grand succès dans les salons parisiens.