Gaspard Monge

Monge
Gaspard Monge, que Bonaparte avait déjà chargé des prélèvements de ses campagnes d'Italie, lui demande de préparer une liste de savants qui l'accompagneront en Egypte pour y effectuer des travaux scientifiques dans tous les domaines de la connaissance. Monge créera l’Institut d’Egypte, avec Bonaparte Vice-Président et Joseph Fourier secrétaire. Son activité y fut débordante, aussi bien dans le domaine scientifique que militaire où il montra de grandes qualités de sang-froid quand il fallut faire le coup

De retour en France après la campagne d'Italie, Bonaparte est désireux de faire partie de la communauté scientifique. Avec l'aide de Gaspard Monge il est élu membre de l'Institut National de France le 25 décembre 1797. Par une présence assidue aux séances, il commence à connaître et à tisser des liens personnels avec les membres influents de la communauté scientifique française.

Le 16 mars 1798, le Directoire publie un arrêté prescrivant au ministre de l'intérieur de « mettre à la disposition du général en chef Bonaparte, des ingénieurs, savants et artistes… » et ainsi constituer une Commission des sciences et des arts. Monge, professeur à l'École polytechnique, qui avait été de la campagne d'Italie, est chargé secrètement de recruter des savants de toutes les disciplines. Aidé de ses collègues Berthollet et Fourier, il convainc, en moins de deux mois, plus de cent cinquante savants, mathématiciens, chimistes, géomètres, médecins, architectes, peintres, botanistes... de participer à une expédition de caractère essentiellement militaire, dont la destination et la durée restaient secrets.

Monge a besoin de gens formés aux disciplines scientifiques. Étant donné les attaches de Monge, Berthollet et Fourier avec l'École polytechnique et la nécessité d'avoir recours à des hommes jeunes et très instruits pour un travail physiquement éprouvant, c'est tout naturellement que des polytechniciens, même encore élèves, sont appelés à y participer. Ils forment un contingent important de la Commission.

La Commission regroupe des spécialistes de toutes disciplines, ce qui montre bien le désir d'aller au-delà de l'étude de l'histoire et de l'architecture, pour s'intéresser au pays contemporain, certainement dans l'hypothèse d'une installation française de longue durée.

Documents complémentaires

Monge et objets d'Art d'Italie

Biographie de Gaspard Monge

Gaspard Monge, né à Beaune le 9 mai 1746 et mort à Paris le 28 juillet 1818, est issu de la petite bourgeoisie beaunoise. Son père, marchand forain, s’est bien intégré à ce milieu en devenant bâtonnier de la confrérie des merciers. Il confie l’éducation de ses fils aux Oratoriens qui dispensent en sus du cursus classique, les sciences et les mathématiques. Gaspard Monge est vite distingué pour ses dons exceptionnels. Il termine ses études à Lyon à l’âge de 18 ans.

Il est remarqué par le directeur adjoint de l’École du Génie de Mézières, le lieutenant-colonel Merveilleux du Vignau, sur la qualité des fortifications de Beaune qu’il avait tracées. Il le fait venir à cette école en 1764 comme dessinateur, puisque son statut de roturier lui en interdit l’accès comme élève.

L’abbé Bossut, professeur de mathématiques de l’école, le remarque immédiatement et le promeut progressivement comme adjoint puis professeur de mathématiques titulaire quand il sera contraint en 1768 de retourner à Paris comme examinateur. Ses talents de pédagogue sont tout de suite connus et appréciés autant de ses élèves que de ses collègues et des officiers du Génie qui interviennent dans la formation des étudiants. Il rédige un nombre important de manuels pédagogiques et participe activement à la réorganisation des études à partir de 1770. Il remplacera également le célèbre abbé Nollet à la chaire de physique en 1771.

Il s’intègre à la société bourgeoise locale en épousant en 1777 Catherine Huart, veuve d’un maître de forges. Elle est également propriétaire d’une forge. Ceci le conduira à s’intéresser à la physique et surtout à la chimie à partir de cette date. Il installera un laboratoire de chimie à l’École, fera des recherches sur la synthèse de l’eau avec Jean François Clouet, jeune chimiste qu’il engagera.

Il est cependant vraisemblable qu’il souffrira du dédain et de la morgue des membres du corps du Génie, ce qui pourra expliquer sa haine des aristocrates pendant la période révolutionnaire. Il adhérera à une loge maçonnique, « l’Union parfaite », du corps du Génie.

Son mentor, l’abbé Bossut, établi à Paris depuis 1768, a été élu à l’Académie des Sciences en 1768. Il le recommande auprès de cette institution en le faisant élire correspondant la même année, puis adjoint géomètre en 1780 et enfin associé de la classe de physique générale en 1785, ce qui l’oblige à démissionner de son poste de professeur à Mézières, devant séjourner au moins 6 mois par an dans la capitale. Le duc de Castries, un de ses protecteurs, dont il avait fait la connaissance à Mézières, lui obtiendra le poste d’examinateur de l’école de la Marine -à la barbe de Bossut- ce qui le fixera définitivement à Paris. Dans ce poste, il proposera des réformes significatives de l’enseignement dans cette école, comme il l’avait déjà fait à Mézières pour le Génie. Cette expérience lui sera très profitable quand il sera la cheville ouvrière de la création de Polytechnique en 1794-1795.

Il est déjà un savant reconnu parmi ses pairs pour ses travaux mathématiques et il fréquente assidûment D’Alembert, Laplace, Condorcet, Vandermonde, puis s’intègre dans le cercle autour de Lavoisier. Dans ce nouveau groupe, il se lie étroitement avec Bertholleti ainsi qu’avec Condorcet, Borda et Lagrange. On voit l’importance de son réseau relationnel qui facilitera son rôle scientifique pendant la période révolutionnaire.

Le déclenchement de la Révolution changera complètement le cours de sa vie. Il sera un membre important du club des Jacobins et très lié à Robespierre et Saint Just. Républicain convaincu, il continue son activité à l’Académie dans le Comité des Poids et Mesures. Il est nommé ministre de la Marine en août 1792 - suite à la défection de son ami Jean Nicolas Pache. Il était en effet un des rares à être compétent dans le personnel politique, puisqu’il avait été examinateur pour le concours d’entrée à l’École de la Marine. Il eut une action très positive dans la reconstitution de la flotte, contrairement à une légende répandue par les historiens. Il démissionna en avril 1793 suite aux dissensions politiques liées aux luttes entre Girondins et Montagnards.

La Convention ayant dissous les Académies en août 1793, Monge se trouve disponible pour participer à l’intense effort de guerre nécessité par les premières défaites des armées révolutionnaires. Sous l’impulsion de Lazare Carnot et de Prieur de la Côte d’Or entrés au Comité de salut public en août 1793, il participe à la mise au point des méthodes de fabrication et à la formation des ouvriers nécessaires à la production accélérée de canons et de fusils, en appliquant le processus d’apprentissage par compagnonnage inspiré de la pratique de Mézières, mais sur une très large échelle.

Après le coup d’État de Thermidor, sous l’impulsion de Lazare Carnot, germe l’idée de reconstituer une école formant les cadres militaires supérieurs. Il propose alors un programme complet, basé sur une solide formation théorique en particulier mathématique. Cette nouvelle école des Travaux Publics, appelée un an plus tard École polytechnique, verra Monge y professer, comme la plupart des grands savants de l’époque. Elle sera, selon le modèle original conçu par Monge, le creuset de la technocratie française. Il en sera brièvement le Directeur, suppléé ensuite par Guyton de Morveau, au moment de son départ pour l’Italie, puis pour l’Egypte. Monge enseignera également à l’École Normale, fondée simultanément.

Il sera élu à l’Institut lors de sa fondation et y sera actif dès que ses autres fonctions le lui permettront. Monge sera ensuite désigné par le Directoire pour mettre en oeuvre les « prélèvements » d’objets d’Art et de Science dans les territoires conquis par Bonaparte en Italie. La rencontre des deux hommes verra se nouer une amitié qui ne se démentira pas, même pendant l’Empire, ce qui peut sembler paradoxal pour un républicain viscéral. Cette attitude tranchera avec celle de Lazare Carnot qui dénoncera la Légion d’honneur et l’Empire héréditaire.

Lorsque l’idée de l’expédition d’Egypte se formera par la suite, Bonaparte fera naturellement appel à Monge pour dresser la liste des membres de l’équipe scientifique. Les polytechniciens y sont surreprésentés et Monge créera l’Institut d’Egypte, avec Bonaparte Vice-Président et Joseph Fourier secrétaire. Son activité y fut débordante, aussi bien dans le domaine scientifique que militaire où il montra de grandes qualités de sang-froid quand il fallut faire le coup de feu.

Au retour d’Egypte, Monge reprendra ses activités d’enseignement et sera couvert d’honneurs par Bonaparte : membre puis président du Sénat conservateur, chevalier puis officier de la Légion d’honneur, Comte de Pélouse (ville du delta du Nil). Il reprendra avec vigueur ses activités à l’Institut et sera un des membres fondateurs de la Société d’encouragement pour l’industrie nationale, mère de toutes les sociétés savantes françaises.
Il sera destitué de toutes ses fonctions à la Restauration et mourra en 1818, très diminué suite à des attaques cérébrales.

Son ascendant sur toutes les personnes qui l’ont côtoyé (et encensé) était lié à son talent inné de pédagogue inlassable, qui ne laissait pas en chemin ceux qui n’avaient pas suivi ses explications qu’il reprenait patiemment dans ses cours. Son oeuvre scientifique est considérable. Elle est répartie de manière diffuse dans tous ses manuels et mémoires ainsi que dans des notes prises par ses élèves. Citons parmi celles-ci :

- La stéréotomie ou géométrie descriptive
- Application de l’analyse à la représentation des surfaces
- Mode de génération des surfaces et surfaces développables (Mémoire sur les propriétés de plusieurs genres de surfaces courbes, particulièrement sur celles des surfaces développables avec une Application à la Théorie des Ombres et des Pénombres)
- Décomposition et synthèse de l’eau
- Hydrodynamique (avec Condorcet)
- Mémoire sur la théorie des déblais et des remblais

L’absence d’un Opus Magnus dans sa production l’a un peu fait oublier dans la galerie des grands scientifiques de l’époque au contraire d’un Laplace qui le méprisait pour ses manières d’homme du peuple, bien que ses travaux de mathématiques fussent du même niveau que les siens.