Voyage en basse et haute Egypte

Voyage en basse et haute Egypte (version textuelle)

Voyage en basse et haute Egypte (version scannée du texte original)

Jusqu’au 25 août 1798, Denon sillonne le delta et visite le Caire accumulant les découvertes et les dessins. Il suit la colonne Desaix dans le bataillon du général Belliard, le 31 août, jusqu’en haute Égypte, à la poursuite de Mourad Bey. Il n’est accompagné que par un autre membre de l’équipe des savants, le géographe Chaume. Il fait ample moisson de dessins et de notes tout en pestant contre les aléas de la campagne militaire qui ne lui permettent pas de rester dans les sites autant qu’il le souhaiterait. Sa frustration sera en partie comblée dans le trajet du retour durant lequel il pourra revenir plusieurs fois dans les sites emblématiques comme Thèbes, Louxor et Denderah. Ce dernier temple le fascine complètement, surtout le Zodiaque gravé sur le plafond qu’il relève soigneusement.

Rentré à Paris, il est invité à publier un ouvrage relatant toutes ses découvertes. C’est certainement la qualité et l’abondance de son travail de relevé au cours de son expédition en Haute Egypte, qui permettra de compenser l’image d’une campagne peu glorieuse. Bonaparte, satisfait de disposer d’un collaborateur dévoué, travailleur infatigable et connaisseur des Arts, le nommera directeur des musées en 1802.

Il fait graver par 25 collaborateurs les planches d’après ses dessins. Il finance l’édition par une souscription largement couverte (Bonaparte en prend 46). Il rédige lui-même le texte de l’ouvrage en se basant sur son journal de voyage. Les références constantes aux récits antérieurs des voyageurs de l’Antiquité et du XVIIIème siècle, montrent sa culture et la préparation préalable qu’il a dû faire avant d’embarquer en 1798. L’ entreprise démarre dès le début de 1800 et se termine le 18 avril 1802. Il est soulagé de constater que sa mise de fonds est couverte par la première édition, et que tous les pays en demandent des traductions. Ce fut le premier succès d’ampleur de l’édition au XIXème siècle, avec de multiples rééditions dans les principales langues européennes.
C’est certainement cet ouvrage qui inspira début 1802 à Napoléon l’idée de lancer le grand chantier de la Description de l’Égypte qui s’étala de 1809 à 1829. Denon n’avait pas besoin d’y participer.

Denon s'est appuyé sur une équipe nombreuse de graveurs expérimentés qui on produit les planches d'après les dessins qu'il avait raménées d'Egypte. En voici la liste :

Vivant Denon : 24 eaux-fortes originales  planches 104 à 112

  • Baltard,
  • Berthon,
  • Berthault.
  • Choffard,
  • Coiny,
  • L. Croutelle.
  • Dufrène,
  • Duparc,
  • J. Duplessi-Bertaux,
  • Fortier,
  • Fosséyeux,
  • Galien,
  • Carreau,
  • Gounod,
  • Gounot,
  • Le Gouaz,
  • Legraud,
  • G. Malbeste,
  • Masquelier,
  • Paris,
  • L. Petit,
  • Perrier,
  • Pillement,
  • Pillement fils,
  • Prévost,
  • Réville.
Ouvrage

Les prédécesseurs de Denon en Egypte

Claude-Etienne Savary (1750-1788)  (Article Wikipedia)

Parti en 1776 pour l'Égypte, et après avoir séjourné trois ans successivement à AlexandrieRosette, et au Caire, il parcourt pendant près de deux ans plusieurs îles de l'Archipel, notamment celles de Rhodes et de Crète, et sur lesquelles il donne de nombreux détails. Il en rapporte une description vivante faite au contact quotidien avec la population.

Parlant l'arabe, son récit offre un contraste frappant avec l'austère description que fit Volney deux ans plus tard. C'est un des premiers voyages littéraires en Égypte, plus d'un siècle après François Savary de Brèves mais longtemps avant ChateaubriandLamartine ou Flaubert.

Sa traduction en français du Coran respecte le style de l'original et la division en versets, comme il le souligne dans sa préface, l'opposant à celle de son prédécesseur André Du Ryer (1647). Il rend aussi hommage à la traduction en latin de Louis Marracci (1698), qu'il cite dans les notes. Dans la Vie de Mahomet qu'il place en tête de l'ouvrage, il prend position pour un Mahomet politique, qui aurait créé la fiction d'une mission divine et de la révélation du Coran par Dieu, comme outil de son projet de régénération de la nation arabe.

Cette traduction, rédigée en Égypte, est parue en 1783 à Paris, en deux volumes, et a été plusieurs fois rééditée dans les années suivantes. Il existe une édition moderne (Classiques Garnier), et des reproductions en fac-simile des éditions du xviiie siècle sont disponibles.

Visite de la grande Pyramide de Khéops (vers 1777-1778)

Le 4 octobre 1777, il navigue à bord d'un Mach (gros bateau à deux mats) sur le Nil et à la vue des pyramides de Gizeh, il écrit : « Salut aux plus anciens monumens qui soient sortis de la main des hommes ! Leur vue inspire un respect religieux. Combien de générations ont disparu de la terre depuis que ces masses énormes reposent sur le pied de la montagne où elles sont assises ! »1.

Lors de son séjour en Égypte, il n'hésite pas à se fondre parmi les habitants locaux, parlant l'arabe et faisant preuve de passion pour l'Égypte. Dans sa sixième lettre (page 83 des Lettres sur l'Égypte... de 1785), il affirme au Caire neuf mois après être arrivé par le Nil « Pour n'être pas insulté par la populace, & pour remplir le but de mon voyage, j'ai pris l'air & les habits d'un Turc. Mon teint brûlé par le soleil est devenu Égyptien. Un châle couvre ma tête & cache mes cheveux. Une longue moustache ombrage mes joues. Grâce à cette métamorphose, & à l'habitude que j'ai de parler l'Arabe, je me promène dans la ville, je parcours les environs, & je vis avec ce peuple étrange ».

Il visite avec le comte d'Antragues la grande pyramide de Khéops en pleine nuit. Vers 3h30 du matin, ils arrivent au pied de la pyramide. Flambeau à la main, ils rampent comme des serpents selon ses propres dires pour entrer dans la grande Pyramide. Un coup de pistolet fut tiré, le bruit se répétant dans les cavités et éveillant des milliers de chauve souris. Plusieurs de leurs bougies furent éteintes. L'air est suffocant. Une demi-heure après être sortis de la grande Pyramide, ils sont à son sommet et inscrivent leurs noms.

Claude-Étienne Savary visitera deux fois la grande Pyramide et montera aussi deux fois à son sommet. Il s'appuie ensuite sur les recherches et le plan de Benoît de Maillet en y joignant ses propres notes.

 

Volney (1757-1820)  (Article Wikipedia)

Son Mémoire sur la Chronologie d’Hérodote soulève des discussions à l’Académie des inscriptions. Ayant hérité de six mille livres, il décide d'aller visiter l'Égypte et la Syrie, berceau des idées religieuses. La situation politique de l'empire ottoman lui paraît aussi un objet piquant de curiosité.

Prévoyant les fatigues et les dangers d'un tel voyage, il s'y prépare pendant une année entière, en habituant son corps aux plus violents exercices et aux plus rudes privations. Il séjourne plusieurs mois chez un oncle, à Angers, où il s'entraîne à la marche, s'endurcit à la fatigue et aux longs jeûnes. Il s'efforce aussi d'apprendre l'arabe au Collège de France3. Il se met enfin en route à pied dans les derniers mois de l'année 1782, avec un havresac sur le dos, un fusil sur l'épaule et six mille livres en or cachées dans une ceinture.

Arrivé en Égypte, il ne va guère plus loin que le Caire, où il séjourne sept mois, à l'exception d'un voyage à Suez (24-26 juillet), et de quelques visites aux Pyramides. Le , il s'embarque au Caire pour la Syrie. Il s'enferme pendant huit mois au monastère grec-catholique melkite de Mâr Hanna d'al-Chuwayr pour y apprendre l'arabe, et se renseigner sur les mœurs des tribus. Il se joint ensuite au cheikh Ahmad, fils de Bahir, chef de la tribu des 'Uwaydiyya. Il gagne l'estime de ses hôtes, mais rebuté par leur extrême frugalité, refuse non seulement de se fixer parmi eux comme ils l'y invitent, mais même de les suivre au-delà de quelques étapes.

(Source Wikipedia)

Editions du Voyage en basse et haute Egypte dans l'Europe de l'Ouest dans les décennies suivant sa parution

Le succès de cet ouvrage, au delà de sa première parution en grand format, a été croissant dans les années qui suivirent, en particulier grâce à des éditions en plus petit format, plus abordables, soit en français, soit traduites. On notera des ajouts dans les versions publiées à Londres, de ses compagnons de voyage, frustrés de ne pas avoir bénficié de l'antériorité de la publication.

On pourra ici télécharger la liste de ces différentes éditions, telles que répertoriées par Ulric Richard Desaix, descendant du Général Desaix, mort à Marengo en 1800

Analyse critique de l'ouvrage d'après Michel Dewachter

Lors du colloque du 8 au 11 décembre 1999 au Louvre, Michel Dewachter a fait une communication qui pointe les erreurs et surtout les mensonges de Denon dans son ouvrage.

Cette communication s'intitule Denon, l'Egypte, Champollion et le Louvre - De la légende à la réalité. Elle est intégrée dans les actes du colloque Les vies de Dominique-Vivant Denon (la Documentaition Française - Paris 2003 ISBN 9 782110 048127

En voici les principales conclusions :

La première critique vient de la fiction de l’existence d’un journal de voyage, puisque de nombreux indices laissent penser que celui-ci n’a été rédigé qu’au retour en France d’après des notes succinctes prises sur le terrain. Ces indices apparaissent dans la correspondance avec son amie la Comtesse Albrizzi, où des évènements postérieurs à ce retour sont évoqués. Il est également établi que Denon n’a pas assisté à la bataille des Pyramides ni à celle d’Aboukir, qu’il décrit avec force détails, en jetant le voile sur la chronologie de son voyage.

Il est probable que de nombreux dessins ont été « retravaillés » en cabinet à partir des esquisses de Denon et en tenat compte d’autres souces (Norden, Cassas, Sonnini de Manoncourt).

L’affirmation de Denon disant qu’il avait désiré depuis toujours faire ce voyage est certainement fausse, aucune mention de l’Egypte n’apparaissant antérieurement à l’expédition dans ses écrits.

Ce sont certainement les relevés de hiéroglyphes de Denon à partir de 1802 dans le Voyage qui ont piqué la curiosité des frères Champollion, qui n’ont eu un contact direct avec lui qu’en 1821 à l’occasion de leur visite dans son cabinet du quai Voltaire.

Réception en Angleterre du Voyage dans les années qui ont suivi sa parution

Le Voyage en Basse et Haute Egypte fut aussi un succès en Angleterre. On pourra lire ici la perception de cet ouvrage à travers une étude des journaux de l'époque qui l'ont analysé. Certains sont bien sûr critiques en indiquant que Denon n'a rien découvert et n'a fait que paraphraser les relations de voyages antérieures. On daigne complimenter les gravures qui n'étaient là que pour impressionner le lecteur.

Nous vous présentons ici quelques extraites de cette annalyse de 2005 de Andrew Bednarski

HOLDING EGYPT: tracing the reception of the Description de l’Égypte in nineteenth-century Great Britain