La Monnaie
Denon directeur de la Monnaie et des médailles
La médaille est utilisée depuis Henri IV comme instrument de propagande politique et historique dans la population. Napoléon, maitre en propagande politique, ne pouvait que développer cet outil et Denon était l'homme qui convenait pour cette tâche.
Dans une lettre du 31 mars 1803, Denon fait au Premier Consul un état des lieux :
"Citoyen Premier Consul,
D’après votre ordre, j’ai pris connaissance de l’état actuel de la Monnaye des médailles et de sa constitution, autant qu’il m’a été possible de le faire auprès de l’administrateur Monsieur Decotte, qui se réservait toujours de vous rendre compte des détails qui constituent ses droits sur toutes les machines qui forment cet établissement.
Son bisaÿeul maternel en a été le fondateur aux conditions cy-dessous.
Dès qu’une médaille était décrétée, l’Académie des inscriptions donnait le sujet de la médaille avec la légende et l’exergue; un dessinateur payé par le gouvernement en donnait un projet, un graveur aussi payé par le gouvernement en faisait le poinçon et l’empreinte, et à cette époque l’administrateur en devenait l’entrepreneur, fournissait la matière à un tel titre, fournissait à un tel taux le nombre de médailles qui lui était demandé, soit en or, en argent ou en cuivre, et restait conservateur et usufruitier des coins pour vendre des médailles à ceux qui pouvaient en désirer.
A cette condition, il était chargé d’entretenir les ouvriers, de faire les frais des machines et fourneaux et de la conservation des poinçons et empreintes.
Les machines et balanciers, faits avec magnificence, ont vieilli dans leurs détails, mais toutes les grandes pièces peuvent servir éternellement, en y adaptant les nouvelles découvertes que vient de faire l’artiste mécanicien Droz.
Tout ce qui est laminoirs, fourneaux, emporte-pièces, est en assez mauvais état. Tout cela appartient à Monsieur Decotte par succession.
Quelqu’étrange que cela puisse paraître dans un établissement national fait dans un siècle où la somptuosité présidait à toutes les opérations, il n’est presque pas possible de douter de ce que dit à cet égard Monsieur Decotte, vieillard respectable et d’une probité reconnue.
L’emplacement des fourneaux à fonte et à recuite ayant été diminué par des écuries et à présent par l’orangerie, toutes ces parties sont en mauvais état et négligées par l’inactivité où s’est trouvé cet établissement depuis la Révolution.
Le cabinet où sont conservés les poinçons et empreintes est dans un fort bel ordre et appartient entièrement au gouvernement. Si le projet d’ouvrir des guichets dans toute la largeur de la place du Carouzel est mis à exécution, ce cabinet, le logement de l’administrateur et les ateliers se trouveront démolis par cette opération, et il faudra lui assigner un nouveau local.
A cette époque, il faudra qu’il soit décidé si cet établissement restera aux anciennes conditions et comme une ferme à Monsieur Decotte, s’il recevra de moi les types, poinçons et empreintes que je lui fournirai, ou si le gouvernement fera de la Monnaye des médailles un établissement absolument national, et, dans ce cas, il prendrait le parti d’exiger de Monsieur Decotte qu’il justifiât de sa possession, achetât les balanciers dans l’état où ils sont, et y fît adapter les nouvelles inventions du citoyen Droz, établît trois balanciers, et tînt à gages les ouvriers pour les activer.
J’ai demandé à Monsieur Decotte de faire de son côté un mémoire sur cet établissement qu’il m’a promis de me donner la semaine prochaine, et que j’aurai l’honneur de vous présenter aussitôt que je l’aurai reçu21.
Agréés, Général Premier Consul, l’hommage de mon profond respect."
"Il est impossible de laisser à M. Decôte, vieillard de près de 80 ans, la Monnoie des médailles; mais en la retirant de ses mains, il est juste de lui tenir compte des machines qui sont dans l’attelier, et de donner encore un traitement, qui ne peut pas durer, à un vieillard qui s’est toujours parfaitement conduit dans les grandes places qu’il a occupées.
Au reste il n’est point de manières plus œconomiques d’avoir une bonne Monnoie des médailles que celles qui avoient été adoptées par l’ancien gouvernement, elle [sic] ne coûtoit presque rien à l’Etat et faisoit la fortune de celui qui en étoit chargé.
Renvoyé au ministre de l’Intérieur pour proposer un arrêté sur cet objet. Le 16 germinal. Le Ier Consul. BONAPARTE." [Apostille signée par Bonaparte.]
Il fut décidé de mettre fin à l’affermage des Monnaies et médailles. Au terme de longues tractations, Decotte conserva sa collection de carrés, reçut une indemnité de 9291F et une pension annuelle de 6000 F qui lui fut payée jusqu’à sa mort, en janvier 1810.
Dans une lettre du 24 février 1812 à l'intendant général de la Couronne, Denon rappelle son implication personnelle lorsqu'il a reçu la direction de la monnaie des Médailles :
"Je ne puis laisser ignorer à Votre Excellence que, lorsque j’ai reçu du ministère de l’Intérieur la Monnaie des médailles, cet établissement était dans un tel dénuement que j’ai été obligé de faire de mes deniers les premières avances pour la fabrication, et que de son côté la caisse du musée est venue de même à l’aide de la Monnaie, lorsqu’il y avait de grandes commandes de médailles à frapper."
cf. : Delmas (Catherine), La Monnaie des médailles sous la direction de Vivant Denon, 1802-1815, thèse dactylographiée de l’Ecole des chartes, 1996