Dessins et Estampes

Ce département du Louvre a été créé  cinq ans avant la nomination de Denon, le12 mai 1797 pour gérer le fond de planches gravées et de dessins. Il est gérée par Morel d’Arleux.

Il est conçue comme une entreprise commerciale, permettant de générer des ressources financières par la vente des tirages. Mais il a aussi pour mission de réunir tous les fonds épars (Cabinet du Roi, Académie de peinture, Menus plaisirs, Ville de Paris et différents lieux dépendants de Versailles). Ce fonds a doublé de volume en 1797 avec l’acquisition de la Collection St-Morys (12 000 dessins).

Une nouvelle mission lui est alors assignée, celle de diffuser les images des œuvres du Musée, donc d’entreprendre leur copie et leur gravure. Deux séries de gravures sont commandées sur fonds publics et remportent un grand succès.

A l’arrivée de Denon, la politique change brutalement. Celui-ci prône le recours à la souscription et à l’initiative privée, ce qui peut sembler contradictoire avec la politique qu’il appliquera pour le peintures et les sculptures. Peut-être reste-il influencé par son expérience de la publication du Voyage en Egypte, où il avait appliqué ce processus.

Ce point est confirmé par un de ses écrits de 1811 (corresp.  n°.2093) «  Dans les arts le gouvernement ne doit jamais être ni entrepreneur ni négociant […] il faut se borner à conserver et faire valoir […] toutes le planches nouvelles sont d’un produit illusoire ».

Cette position est interprétée comme une délégation de pouvoir à Morel, Denon ne souhaitant pas s’impliquer dans la direction artistique de ce domaine. Cette délégation prendra tout son sens lors du déménagement de ce département à l’Hôtel d’Angivillers en 1807, autant pour le besoin de place au Louvre que pour gérer l’accroissement de la collection avec les prélèvements napoléoniens. Un accroissement important est intervenu en 1806 grâce à l’acquisition du Fonds Baldinucci (plus de 1200 dessins) par Denon puis celui de Edme Bouchardon (832 dessins à la sanguine) en 1808.

Comme pour les peintures et sculptures, Denon organise des expositions des dessins et gravures. Une grande exposition est organisée en1811, après celle de l’an V et de l’an X, largement inspirée par Morel à qui Denon fait toute confiance.

Synthèse écrite à partir de l'article Chalcographie par Lina Propeck de l'Oeil de Napoléon  p 205

L'inventaire et le classement

De fait, dès son entrée en fonctions Denon témoigne son estime à Morel d'Arleux. Bien avant l'injonction impériale du sénatus-consulte de 1810, Denon avait suggéré (1803) que fût dressé (thème récurrent tout au long de la Révolution) l'inventaire du patrimoine artistique puis que celui-ci fut imprimé et la vente des exemplaires confiée au musée.

Pour ce qui regarde les collections de dessins, le nom de Morel est aussitôt avancé par Denon. Travail titanesque pour lequel Henri Beyle (Stendhal) rendra hommage à Morel : «Je pus apprécier le zèle qu'il a prouvé par le grand nombre de minutes qu'il a faites. L'inventaire de Morel d'Arleux est en fait l'unique inventaire minutieusement réalisé dans le musée Napoléon ». Inventorier. Le principe clé de la fonction de conservateur est ainsi mis en exergue.

Toutefois, si Denon est parvenu à sensibiliser le pouvoir au problème, il n'en faut pas moins oublier que la quasi inconsistance des inventaires de dessins de l'Ancien Régime en avait déjà imposé la tâche au Conseil. Résumons les faits. Unique inventaire quantitatif, le procès–verbal de saisie de la collection des dessins du roi tenait en effet lieu d'inventaire officiel de cette collection depuis 1792. En 1794, dans le mouvement davidien de sensibilisation à la gestion des dessins, a lieu le timbrage des dessins montés. Les mentions timbré ou non timbré alors ajoutées au procès-verbal de saisie ont introduit une notion qualitative.

La pratique de l'estampillage est reconduite en 1796, lors de l'entrée de la collection Saint-Morys, et la mention en est précisée dans le registre des procès-verbaux de séances avec le relevé quantitatif des pièces entrées et classées par écoles. L'idée du geste de l'inscription à l'inventaire avec estampillage des dessins est mise en pratique.

Un minuscule reçu du papetier Delagarde témoigne en effet du début des travaux d'inventaire en septembre 1797. On y lit cette apostille de Foubert (prédécesseur de Denon): "pour le classement des dessins".

Un classement par écoles s'établit en premier lieu, accompagné du rangement des dessins dans des "cartons» numérotés. Cette première étape est consignée en 1801 I803 dans un petit cahier des archives du Louvre. Puis, relevée dans les feuillets du premier des carnets personnels de Morel, cette structure générale est, dans les carnets suivants, reprise et organisée cette fois -ci en authentique inventaire. Vient enfin, en juin 1812, la mise au net de tous ces éléments, laquelle (complétée des dimensions, estimation, localisation mais omettant la provenance émigrée) constitue l'inventaire Napoléon. Une numérotation est alors introduite se poursuivant en continu à travers tout le fonds, elle respecte l'ordre établi dans les cartons mais est attribuée en fait à la présentation car le numéro identifie tout aussi bien un dessin monté seul que plusieurs montés ensemble, voire rassemblés en volumes ou paquets. Ce numéro est reporté par Morel au verso des montages, à l'encre et au milieu.

Si l'on songe au volume considérable de dessins, à l'exiguïté des lieux où débute ce travail, on est gagné par l'émotion en feuilletant les carnets de Morel. L'écriture rapide, les ratures, les ajouts disent l'inventaire se montant sous nos yeux. Et l'on comprend aisément l'admiration autrefois témoignée par Denon lui-même. La tradition ne rapporte-t-elle pas que le directeur se plaisait à appeler Morel « l’Œdipe du musée, le grand dénicheur des dieux du paganisme et des saints du paradis»? A juste titre ...

Que de dieux et de saints. Morel d'Arleux n'eut-il pas à identifier ! Nous nous plaisons à imaginer les deux hommes devisant dans la galerie d'Apollon tandis qu'après cinq ans d'interruption, semble-t-il, s'ouvre en juin 1811 la troisième exposition des dessins de la Chalcographie, héritière de celles qui s'étaient tenues en l'an V puis en l'an X (1802)

Extraits de l'article Chalcographie par Lina Propeck de l'Oeil de Napoléon  p 210-211