Les commandes d'oeuvres d'Art

Denon, avec son habileté coutumière, réussit à s’imposer comme commanditaire officiel des œuvres d’art financées par la Cour et le gouvernement, au-delà de cette mission qui lui avait été confiée par Bonaparte dès sa nomination. La tâche était délicate en ce que nombre de peintres « en cour », qui avaient reçu des commandes du premier Consul en direct, manifestaient des prétentions financières importantes et se croyaient détenteurs d’une certaine exclusivité (par exemple Isabey).

Il est en fait opposé par principe au système du concours, qui était en vigueur avant lui. Les raisons qu’il évoque sont la sécurité économique des artistes qui est mise en péril quand ils échouent au concours, d’une part, et la médiocrité générale des productions des refusés

Un facteur s’est révélé important. Il s’agit des relations globalement amicales qu’il entretenait déjà avec la communauté des artistes, qui lui permit de contenir leurs ambitions individuelles tout en restant globalement bienveillant.

L’objectif était de mettre en place une grille de prix qui soit la plus homogène possible et en rapport avec la qualité et les dimensions de l’œuvre, même s’il fit quelques entorses à ce principe de base. C’est effectivement l’action qu’il mène et qui lui attire invariablement des critiques, puisqu’il dispose des budgets, amis surtout surveille l’exécution et les délais des commandes tout en intervenant sur leur contenu et leur forme. On le traite alors d’« amateur », certes plein de goût, mais qui se permet de juger des intentions des « véritables » artistes.

La grande nouveauté consiste à définir un cahier des charges sur ce qui doit être représenté sur les tableaux commandés. L’exemple caractéristique est celui du tableau de la Bataille d’Eylau où le détail des consignes est très précis et qui donne lieu à un concours qui, par éliminations successives d’après des ébauches proposées par les artistes, finira par aboutir à la sélection de Gros. Dans ce cas, il fut obligé de renier son hostilité au principe du concours imposée par Napoléon, bien que l’existence de la phase des esquisses en réduise les inconvénients.

Cette méthode « dirigiste » est à l’opposé de celle que David aurait voulu imprimer, en tant que premier peintre de l’Empire, celui-ci laissant les artistes (dont un grand nombre étaient ses élèves) suivre leur inspiration et en les guidant, sans contrainte budgétaire.

La traçabilité de ces commandes est délicate, car au-delà du décret, l’interaction entre Denon et les artistes est essentiellement verbale, celui-ci courant les ateliers et affinant ses remarques. Seuls des rappels pour retards ou menace d’annulation, apparaissent dans sa correspondance avec les artistes.

Son pouvoir discrétionnaire suscite évidemment des jalousies. Mais le reproche principal qui lui est fait est d’avoir trop servi la propagande impériale au détriment des inspirations artistiques des peintres. Deux personnages en particulier lui vouent une inimité féroce : Chaptal qui fut son supérieur hiérarchique comme Ministre de l’intérieur et Ingres.

Fontaine, l’architecte du Louvre à partir de 1805, avec lequel il aura des rapports difficiles, lui reprochera sa courtisanerie.

Il ne semble pas avoir tenu rigueur à ceux qui le critiquaient, sûr de son action et de la confiance de l’Empereur.

Source  divers articles de l'Oeil de Napoleon

 

Les commandes de sculptures

Dès les victoires de 1805, la communauté des sculpteurs sera complétement absorbée par les commandes pour les palais et les monuments nationaux. Peu de sujet originaux apparaissent dans les salons hormis ceux de Canova (La madeleine pénitente, Hébé versant le nectar à Jupiter, et Amour et Psyché). 

Ces commandes étant passées par Denon, il s’implique très fortement dans leur définition et leur style, en s’appuyant sur des dessins préparatoires exécutés sous ses instructions par d’autres artistes que les sculpteurs. Il ira jusqu’à faire graver l’inscription Denon direxit sur la colonne de la Grande Armée et sur quelques autres œuvres. Immensité des palais (Tuileries, Versailles, Fontainebleau..) nécessitent une production importante de statues et bustes de l’Empereur, des dignitaires militaires et civils. Celui-ci est très sensible à la ressemblance physique, ce qui impose la prise d’un masque mortuaire le plus tôt après le décès des généraux disparus au combat comme Desaix par exemple. Denon le répercute dans ses instructions écrites.

Comme pour les tableaux, il suit personnellement l’avancement et l’exécution artistique des sculptures dans les ateliers, mais l’interaction avec les artistes, essentiellement verbale, échappe à l’historien. Seul des rappels à l’ordre dans la correspondance en restent le témoin.