Les transformations du Musée sous Denon
Le Musée Napoléon, installé dans le palais du Louvre, dans la continuité du Musée fondé sous la Convention, a subi de perpétuels changements architécturaux, d'aménagements et de destination des salles, au gré des volontés de l'Empereur, des architectes et de Denon, dont les directives pouvaient rentrer en conflit. Ce fut un chantier permanent dont on peut trouver des traces dans l'iconographie de l'époque dont nous proposons quelques exemples.
Plan du Louvre en 1803

Transformations architecturales
Napoléon Ier et le palais du Louvre : continuation du Grand Dessein
À partir de la fondation du Premier Empire, Napoléon s'est installé au palais des Tuileries. Pierre Fontaine est nommé architecte des palais du Louvre et des Tuileries le 13 décembre 1804. Il s'associera avec Charles Percier.
L'architecte Fontaine est resté l'architecte du palais du Louvre jusqu'en 1848.
Entre 1805 et 1810, Fontaine et Percier vont travailler à l'achèvement de la cour Carrée, en respectant le style des constructions antérieures :
- sculptures de la façade côté cour de l'aile construite par Jacques Lemercier ;
- sculptures de la façade de la Colonnade, au-dessus du portail dessiné par Percier, avec La Victoire sur un quadrige distribue des couronnes par Pierre Cartellier ;
- reconstruction de l'étage d'attique de l'aile sud construite par Pierre Lescot remplacée par un étage complet dans le prolongement de celui de l'autre partie de l'aile ;
- les sculptures de l'attique sont réalisée dans un style qualifié de « goujonisme » par :
- Antoine-Denis Chaudet, La Victoire, Homère et Virgile,
- Jean Guillaume Moitte, La Législation, Moïse, Numa,
- Philippe-Laurent Roland, La Victoire et la Paix ;
- fronton est de l'aile Colonnade sur le thème Minerve entourée des muses de la Victoire, couronne le buste de Napoléon (buste remplacé par celui de Louis XIV à la Restauration) par François-Frédéric Lemot, entre 1808 et 1810 ;
- Claude Ramey a sculpté le fronton de l'aile nord sur le thème Le Génie de la France, sous les traits de Napoléon, invoquant Minerve, Mercure, la Paix et la Législation pour qu'elles succèdent à Mars et à l'appareil guerrier que la Victoire a rendu inutile, en 1811 ;
- Augustin Félix Fortin exécute en 1809, sur la façade de l'aile sud du côté de la côté la Seine, le fronton du tympan du premier étage sur le thème Les armées de l’empire, accompagnées des muses de l’histoire et des sciences avec les deux Génies debout. Au-dessus des génies, Antoine-Léonard du PasquierNote 5,40 réalise dans les écoinçons, deux Renommées couronnant le buste de Napoléon. Ce buste a été remplacé sous la Restauration par un casque de Minerve ;
- Jacques-Philippe Le Sueur sculpte, en 1811, le fronton surmontant le pavillon des Arts de l'aile sud, côté cour, sur le thème Minerve accompagnée des Sciences et des Arts ;
- achèvement du décor de la salle des Cariatides ;
- sculptures dans la salle basse de l'aile de la Colonnade par Pierre Petitot représentant La Victoire sur terre et La Victoire sur mer ;
- construction des escaliers de l'aile de la Colonnade.
De 1809 à 1812, construction du grand escalier menant au musée du Louvre. Ce grand escalier, chef-d'œuvre de l'architecture napoléonienne, a été détruit pour construire l'escalier Daru. Une partie du décor de cet escalier peut se voir dans les salles Percier et Fontaine.
Des peintures ont été commandées pour la décoration intérieure :
- en 1802, Jean Simon Berthélemy a réalisé pour la rotonde d'entrée du musée un Homme formé par Prométhée et animé par Minerve,
- en 1807, pour la salle de Diane , Pierre-Paul Prud'hon a réalisé le plafond sur le thème Diane implorant Jupiter de ne pas l'assujettir aux lois de l'hymen,
- pour la salle de Mécène, Charles Meynier a peint La Terre recevant des empereurs Adrien et Justinien le code des lois romaines ;
En 1810, Napoléon Ier accepte le plan du Grand Dessein réunissant les palais du Louvre et des Tuilerie, proposé par Fontaine et Percier.
Ce plan devait tenir compte de la décision, prise en 1806, de prolonger la rue de Rivoli des Tuileries jusqu'au Louvre, et du décalage des axes de la cour carrée et du palais des Tuileries.
Le quartier compris entre le Louvre et les Tuileries est donc rasé, notamment l'église Saint-Louis-du-Louvres, en 1811. Ses locataires, huguenots qui en avaient fait le premier temple protestant de Paris, et le siège du Consistoire réformé, sont déplacés par Napoléon vers l'église de l'Oratoire du Louvre, face à la Cour carrée. Ils emportent et remontent sur place les miséricordes (stalles) de l'église41.
On va donc commencer par construire l'aile le long de la rue de Rivoli, entre le pavillon de Marsan et la place du Carrousel, en reproduisant l'élévation de l'aile de la Grande galerie construite par Androuet du Cerceau. À la jonction avec le pavillon de Beauvais, à l'angle nord-ouest de la cour Carrée, Napoléon fait construire la chapelle Saint-Napoléon, suivant un plan symétrique de la rotonde d'Apollon construite par Le Vau à la jonction de la galerie d'Apollon.
La chute de l'Empire a arrêté ce projet.
La cours carrée du Louvre sous Napoléon
Napoléon achève les façades et libère le sol de la Cour Carrée.
Le Louvre restait néanmoins inachevé, et quelques baraques continuaient à encombrer la cour lorsque vint Bonaparte. Ce que le Roi n'avait pas su terminer, le Premier Consul entendait le réaliser au plus vite pour donner sa dignité au Museum central des arts. Sur son ordre, les dernières bâtisses furent ainsi rasées en 1801. La première image de l'espace libéré, véritable événement parisien, nous est donnée l'année même ; elle illustre une manifestation commerciale organisée aussitôt pour profiter du terrain prestigieux : la grande « Exposition des produits de l'industrie française », reflet publicitaire de l'expansion économique de la nouvelle France. Les stands avaient été aménagés sous des galeries de bois à colonnes dressées tout au long des façades de la Cour Carrée.
Les lices ont disparu et les compartiments (de gazon?) n'apparaissent plus d'une façon distincte
(Bibl. nat., Estampes, Va 217 f).
Une grande gravure de L. P. Baltard offre un panorama général de l'exposition, qui eut lieu dans les «jours complémentaires » de l'an IX, c'est-à-dire en septembre 1801.
Les façades du Louvre y sont soigneusement dessinées. Au fond l'aile occidentale, façade de Lescot à gauche, pavillon de l'Horloge de Le Mercier au centre, coiffé d'un télégraphe Chappe, aile Le Mercier à droite ; à l'extrémité gauche, l'aile méridionale de Lescot et le pavillon des Arts, à l'extrême droite, l'aile septentrionale.
On observe sur cette gravure que les ordonnances uniformes des ailes représentées respectent encore le parti originel de Lescot, grand étage et étage attique animé par les frontons courbes des avantcorps.
A cette date, néanmoins, l'uniformité ne régnait pas partout. Déjà Le Vau et Perrault, lorsqu'ils avaient construit la façade orientale adossée à la Colonnade, avaient été obligés de bâtir sur une plus grande hauteur, et l 'attique de Lescot avait été transformé en un second grand étage à pilastres et colonnes, coiffé d'un toit plat. Cette disposition très controversée au milieu du xvme siècle avait été finalement entérinée par l'architecte Gabriel, qui avait alors fait achever en 1757 sur ce type toute cette façade Est laissée en chantier par Le Vau, ainsi que la moitié orientale de la façade Nord. Ainsi le système Lescot était encore visible sur la façade Ouest, la façade Sud et la moitié occidentale de la façade Nord. Lorsque l'Empereur ordonna d'achever la cour, les architectes Percier et Fontaine pouvaient choisir l'un ou l'autre parti pour l'imposer aux quatre côtés. C'est l'ordonnance Le Vau-Gabriel qui leur sembla convenir le mieux aux proportions du grand espace, mais lorsqu'ils firent part de leur désir à Napoléon, celui-ci s'y refusa énergiquement. Sa pensée est reflétée dans une lettre adressée à Champagny le 6 février 1805 : «L'économie, le bon sens et le bon goût sont d'un avis différent ; il faut laisser à chacune des parties qui existent, le caractère de son siècle et adopter pour les nouveaux travaux le genre le plus économique ». Fontaine transigea discrètement avec la volonté affirmée de l'Empereur et uniformisa l'ordonnance à deux grands étages sur trois côtés de la cour. L'ordonnance à attique ne fut donc conservée que sur l'aile occidentale.
Les bas-reliefs de l'attique de Lescot à l'aile méridionale furent alors déposés au Musée des Monuments français. Ils sont toujours conservés à l'École nationale des Beaux-Arts. De ce fait cependant une inconséquence historique s'est imposée à nos regards. Le parti primitif apparaît sur l'aile occidentale toute entière, alors que seule sa moitié Sud est de Lescot ; et le parti nouveau apparaît sur l'aile méridionale toute entière, alors que sa moitié Ouest est de Lescot. Avec plus d'esprit critique et moins de révérence à la symétrie, on aurait pu conserver le parti Lescot sur les deux seules moitiés d'ailes qui sont dues à Lescot, et du même coup singulariser dans la vaste Cour Carrée l'entité du château de François Ier et de Henri II que nos contemporains ont tant de mal à reconnaître.
La gravure de Baltard qui nous laisse deviner les façades (et jusqu'à la présence ou l'absence du décor sculpté des frontons, précieuse indication) nous permet aussi de deviner la nature du sol. La croisée piétonnière est matérialisée par des allées dallées et les carrés qu'elle définit semblent au contraire garnis de petit pavé de Paris en grès.
Ce n'est pas là ce que Percier et Fontaine allaient proposer. Sur leur plan de la cour carrée du Louvre 1806, on voit distinctement les quatre parterres de verdure centrés sur des fontaines qui étaient déjà de mise sur les projets de 1787-1790. Cette disposition ne fut sans doute pas réalisée, ou du moins les parterres ne furent pas entretenus longtemps. On peut s'en rendre compte à l'examen d'une gravure anglaise d'Askey d'après un dessin du capitaine Batty, qui est datée de juillet 1820 (fig. 7). Elle s'intitule « Court of the Louvre ». La cour présente un aspect négligé et désert. Ni pavement ni gazon ne se laissent deviner sur le sol fruste. Quelques rares passants s'y hasardent, certains s'appuient sur des blocs de pierre à l'abandon comme s'ils visitaient le forum romain ; ces blocs sont sans doute les restes des travaux abandonnés des frontons. A l'arrière-plan, une pompe publique et deux mâts disgracieux soutenant un câble d'où pend une unique lanterne, qui laisse mal augurer de l'illumination nocturne du vieux Louvre à l'époque de Louis XVIII. Ce modeste mobilier urbain est scrupuleusement décrit — c'est le même — dans le procès verbal de 1848 que nous citons plus loin. Malgré les efforts déployés sous le règne de Charles X pour donner un aspect pompeux aux galeries du Musée (Musée Charles X, dans l'aile méridionale), on peut croire que la Cour Carrée resta un espace morne et désert.
Babelon Jean-Pierre. La Cour Carrée du Louvre, les tentatives des siècles pour maîtriser un espace urbain mal défini.
In:Bulletin Monumental, tome 142, n°1, année 1984. pp. 41-81;
https://doi.org/10.3406/bulmo.1984.6312
Grande galerie du Louvre

La salle du Laocoon

La salle de l'Apollon du Belvédère

La salle de Diane

Accrochage dans la grande galerie en 1810

Nous possédons un témoignage de cet accrochage, grâce à la frise aquarellée qu'exécuta Benjamen Zix à l'occasion du défilé des invités au mariage de Napoléon et Marie Louise en 1810 dans la grande galerie.
Alexandre Brongniart commanda à Benjamin Zix les projets dessinés d'un immense vase destiné à commémorer la cérémonie du mariage de l'Empereur et de l'archiduchesse d'Autriche. La manufacture paya 900 francs pour cette œuvre le 24 mai 1810. Etienne Charles Leguay commença à peindre la frise, en 1813, s'interrompit en 1814, reprit avec les Cent-Jours, puis abandonna définitivement le projet. Notons qu'à cette époque on réalisait sur les dessins d'Achille Valois le grand vase des conquêtes artistiques.
Zix avait donc exécuté une longue aquarelle, dont la forme devait s'inscrire sur la panse du vase, sans qu'on puisse y voir un patron, car la longueur (1,72 m) est légèrement inférieure celle prévue pour le vase (2,50 m). D'autres dessins préparatoires montrent la scène par tronçons, ou s'appliquent à détailler les personnages du cortège (probablement: collection Denon , puis Fleurieu ; vente Paris, Hôtel Drouot, 12 avril 1996, no 3ij). Afin de donner une composition harmonieuse, Zix s'est permis quelques entorses avec la réalité. Il a représenté trois travées égales, séparées par des groupes de colonnes, alors que Fontaine avait créé un rythme inégal, pour casser l'impression de monotonie. Les trois travées sont consacrées à trois écoles. L'accrochage est très certainement idéal. On en trouvera une description précise dans l'étude de Gaston Brière, reprise dans l'ouvrage de Christiane Aulanier.
A gauche, la peinture française est dominée par un des plus grands tableaux du Louvre saisi dans une église de Paris à la Révolution, les Saints Gervais et Protois conduits au martyre d'Eustache Lesueur (Louvre, lnv. 8org). Poussin est très bien représenté avec sept tableaux, mais laisse une place à des artistes considérés comme importants, Claude Lorrain (deux tableaux), Cousin, Valentin, Vouet, La Hyre, Dufresnoy ct Jean-Germain Drouais, le plus récent des Français. Au centre, l'école du Nord est un hommage à Rubens, car trône au milieu le célèbre triptyque de Rubens, saisi à la cathédrale d'Anvers, la Descente de croix encadrée de ses volets, auxquels sont jointes la Communion de saint François et la Décollation de saint Jean-Baptiste.
A droite, la travée italienne met à l'honneur le chef-d’œuvre du Vatican, la Transfiguration de Raphaël, encadré par le buste de l'artiste par Rondoni (Louvre, MR. 2664) et celui de Jules Romain par Blaise (Louvre, MH. 2128). Une place est faite à ses prédécesseurs : à gauche, Francia (Descente de croix) surmontant la grande Sainte Famille d'Andrea del Sarto (Louvre, Inv. 713), encadrée de deux portraits, la Belle Ferronière de Vinci (Louvre, Inv. 778) et Charles d'Amboise de Solario (Louvre, Inv. 674); encadrant la travée centrale, quatre tableaux de format égal, un seul de Raphaël, la Sainte Cécile de la pinacothèque de Bologne, mais son maître Pérugin est à l'honneur avec les trois autres tableaux exaltant la Vierge.
Enfin le dernier groupe à droite est exclusivement consacré à Raphaël, avec la célèbre Belle Jardinière du Louvre (Inv. 602), encadrée de deux portraits dont l'un est attribué à Franciabigio (Louvre, Inv. 517) el l'autre, qui fut célèbre, considéré comme un autoportrait de Raphaël, avant d'être relégué de façon plus obscure comme œuvre de Parmigianino (Louvre, Inv. 613)
Source : Extrait notice CAT 161 de l'Oeil de Napoléon
La salle des Empereurs
